¿EL SEXO FRAGIL? / LE SEXE FAIBLE?
Por Stefanie Santana
Nací mujer en una familia donde el poder matriarcal arrasa con el machismo latino. Mi abuela se sobrepuso a la sociedad conservadora del Perú y fue la primera en ponerse los pantalones en el vecindario, imponiendo así una moda que impactó el estilo y la mente de las vecinas: las mujeres también llevan muy bien los pantalones.
Así fue como une abuela y siete tías me inculcaron, con ejemplo, que entre la mujer y el hombre no hay diferencia, y que todo está a nuestro alcance. Mi abuela siempre dijo que el hombre cree ser la cabeza… pero la mujer es el cuello que la hace girar donde a una le dé el gusto.
Sin embargo, así como existen mujeres emancipadas en Latinoamérica, hay demasiadas que aún son ultrajadas, de eso soy testigo. A sus 15 años, Diana se vio forzada a dejar su pueblo, pues sus padres ya no la podían mantener. Sin educación secundaria, sus opciones en la ciudad no eran muy alentadoras: prostitución, mendicidad o ayuda doméstica. El escoger la tercera opción la llevó a mi casa. Llegamos a ser muy buenas amigas y confidentes. En nuestras largas conversaciones, yo le contaba de la ira que sentía por no tener el ultimo CD de moda, y ella de su madre, que en las lejanas montañas de la Cordillera de los Andes tenía que soportar a un hombre abusivo que la embarazaba casi cada año y atendía sus partos con la misma brutalidad como atendía a sus vacas. Nuestras vidas y preocupaciones dan testimonio del contraste de realidades que existe en Perú. Recuerdo que sentía tristeza por Diana, pero una tristeza conformista del tipo “así es la vida”.
Han pasado los años y debo confesar que al recordar esas vivencias me invade un sentimiento de horror. Horror porque a pesar de que se me había dejado en claro la igualdad de género, la sociedad y la realidad del país fueron anestesia suficiente para adormecer mi sentido crítico. Nunca me cuestioné si la realidad de Diana era “normal” y mucho menos si era justa. El camino por recorrer hacia una sociedad consciente de la justa condición de la mujer es aún largo y tedioso… pero no imposible.
En el 2013, recorrí el Perú profundo al trabajar en un proyecto propulsado por una ONG canadiense. Llegué hasta lo profundo de la selva, los picos más altos de la cordillera y los desiertos más áridos. Son lugares mágicos donde el tiempo parece haberse perdido entre el ruido de los animales y las conversaciones en quechua. Ahí, entre toda esta maravilla, tuve el honor de conocer grupos de mujeres agricultoras valientes. Hartas de los abusos de maridos y comerciantes, ellas también se pusieron los pantalones. Son lideresas respetadas por hombres y mujeres, y trabajan por mejorar la condición económica y social de sus comunidades. Han mejorado la calidad y la diversidad de sus cultivos, han obtenido contratos internacionales, han proveído electricidad a sus comunidades y la lista continuaría por muchas líneas. Es increíble que tanto progreso haya sido logrado por manos femeninas con tan pocos recursos económicos, mayormente provenientes de ONG internacionales. La intervención gubernamental brilla por su ausencia y corrupción, pero esa es otra historia.
Traduction par Suzanne Zaccour
Je suis née femme dans une famille où le pouvoir matriarcal rase le machisme latino. Ma grand-mère a surmonté la société conservatrice du Pérou et a été la première à porter des pantalons dans le voisinage, imposant ainsi une mode qui a eu un grand impact sur le style et l’esprit des voisines: les femmes aussi portent très bien les pantalons.
C’est ainsi que ma grand-mère et mes sept tantes m’ont inculqué, par leur exemple, qu’entre un homme et une femme il n’y a aucune différence, et que tout est à notre portée. Ma grand-mère a toujours dit que l’homme croit être la tête… mais la femme est le cou qui la fait tourner vers là où elle en a l’envie.
Cependant, tout comme il existe des femmes émancipées en Amérique latine, il y en a trop qui sont injuriées, j’en ai été témoin. À 15 ans, Diana a été forcée de quitter son village parce que ses parents ne pouvaient plus subvenir à ses besoins. Sans éducation secondaire, ses possibilités en ville n’étaient pas très tentantes: prostitution, mendicité ou aide domestique. Le choix de la troisième option l’a menée chez moi. Nous en sommes venues à être très bonnes amies et confidentes. Dans nos longues conversations, je lui parlais de ma frustration de ne pas avoir le dernier CD à la mode et elle de sa mère, qui dans les lointaines montagnes des Andes devait supporter un homme violent qui la mettait enceinte presqu’à chaque année et s’occupait de ses accouchements aussi brutalement qu’il s’occupait de ses vaches. Nos vies et préoccupations témoignent du contraste entre les réalités qui existe au Pérou. Je me rappelle que je ressentais de la tristesse pour Diana, mais une tristesse conformiste du genre « c’est la vie ».
Les années ont passé et je dois avouer qu’au souvenir de ces vécus, un sentiment d’horreur m’envahit. Horreur parce que malgré qu’on m’ait fait comprendre l’égalité entre les hommes et les femmes, la société et la réalité du pays ont été un puissant anesthésiant pour endormir mon sens critique. Je ne me suis jamais questionnée à savoir si la réalité de Diana était « normale », et encore moins si elle était juste. Le chemin à parcourir vers une société consciente de la juste condition de la femme est encore long et fastidieux… mais pas impossible à traverser.
En 2013, j’ai parcouru le Pérou en profondeur en travaillant sur un projet propulsé par une ONG canadienne. Je me suis rendue jusqu’au plus creux de la jungle, aux pics les plus hauts des Andes et aux déserts les plus arides. Ce sont des lieux magiques où le temps parait s’être perdu entre le bruit des animaux et les conversations en quechua. Là-bas, entre toutes ces merveilles, j’ai eu l’honneur de rencontrer des groupes de courageuses femmes agricultrices. Fatiguées des abus de leur mari et des commerçants, elles aussi ont enfilé les pantalons. Elles sont des leaders respectées et travaillent pour améliorer les conditions économiques et sociales de leurs communautés. Elles ont amélioré la qualité et la diversité de leurs récoltes, obtenu des contrats internationaux, fourni l’électricité à leurs communautés, et j’en passe. Il est incroyable qu’autant de progrès ait été accompli avec si peu de ressources financières, provenant majoritairement d’ONG internationales. L’intervention gouvernementale est absente et corrompue, mais ça, c’est une autre histoire.
Voir des femmes vivant dans le poumon oublié du pays exceller et triompher montre qu’une révolution est en train de surgir. L’espoir est d’autant plus grand que ces femmes cherchent à changer la réalité de leurs filles. Elles ont des jolis rêves de les voir professionnelles et triomphantes. Les femmes sont en train de parcourir ce chemin long et fastidieux vers l’égalité. Les spasmes du terrorisme et le machisme ne les ont pas entravées. La réalité et la société ne les ont pas endormies. La femme n’est pas le sexe faible.
Fotographías de Stefanie Santana / Photographies par Stefanie Santana
Le sexe faible?
Traduction par Suzanne Zaccour
Je suis née femme dans une famille où le pouvoir matriarcal rase le machisme latino. Ma grand-mère a surmonté la société conservatrice du Pérou et a été la première à porter des pantalons dans le voisinage, imposant ainsi une mode qui a eu un grand impact sur le style et l’esprit des voisines: les femmes aussi portent très bien les pantalons.
C’est ainsi que ma grand-mère et mes sept tantes m’ont inculqué, par leur exemple, qu’entre un homme et une femme il n’y a aucune différence, et que tout est à notre portée. Ma grand-mère a toujours dit que l’homme croit être la tête… mais la femme est le cou qui la fait tourner vers là où elle en a l’envie.
Cependant, tout comme il existe des femmes émancipées en Amérique latine, il y en a trop qui sont injuriées, j’en ai été témoin. À 15 ans, Diana a été forcée de quitter son village parce que ses parents ne pouvaient plus subvenir à ses besoins. Sans éducation secondaire, ses possibilités en ville n’étaient pas très tentantes: prostitution, mendicité ou aide domestique. Le choix de la troisième option l’a menée chez moi. Nous en sommes venues à être très bonnes amies et confidentes. Dans nos longues conversations, je lui parlais de ma frustration de ne pas avoir le dernier CD à la mode et elle de sa mère, qui dans les lointaines montagnes des Andes devait supporter un homme violent qui la mettait enceinte presqu’à chaque année et s’occupait de ses accouchements aussi brutalement qu’il s’occupait de ses vaches. Nos vies et préoccupations témoignent du contraste entre les réalités qui existe au Pérou. Je me rappelle que je ressentais de la tristesse pour Diana, mais une tristesse conformiste du genre « c’est la vie ».
Les années ont passé et je dois avouer qu’au souvenir de ces vécus, un sentiment d’horreur m’envahit. Horreur parce que malgré qu’on m’ait fait comprendre l’égalité entre les hommes et les femmes, la société et la réalité du pays ont été un puissant anesthésiant pour endormir mon sens critique. Je ne me suis jamais questionnée à savoir si la réalité de Diana était « normale », et encore moins si elle était juste. Le chemin à parcourir vers une société consciente de la juste condition de la femme est encore long et fastidieux… mais pas impossible à traverser.
En 2013, j’ai parcouru le Pérou en profondeur en travaillant sur un projet propulsé par une ONG canadienne. Je me suis rendue jusqu’au plus creux de la jungle, aux pics les plus hauts des Andes et aux déserts les plus arides. Ce sont des lieux magiques où le temps parait s’être perdu entre le bruit des animaux et les conversations en quechua. Là-bas, entre toutes ces merveilles, j’ai eu l’honneur de rencontrer des groupes de courageuses femmes agricultrices. Fatiguées des abus de leur mari et des commerçants, elles aussi ont enfilé les pantalons. Elles sont des leaders respectées et travaillent pour améliorer les conditions économiques et sociales de leurs communautés. Elles ont amélioré la qualité et la diversité de leurs récoltes, obtenu des contrats internationaux, fourni l’électricité à leurs communautés, et j’en passe. Il est incroyable qu’autant de progrès ait été accompli avec si peu de ressources financières, provenant majoritairement d’ONG internationales. L’intervention gouvernementale est absente et corrompue, mais ça, c’est une autre histoire.
Voir des femmes vivant dans le poumon oublié du pays exceller et triompher montre qu’une révolution est en train de surgir. L’espoir est d’autant plus grand que ces femmes cherchent à changer la réalité de leurs filles. Elles ont des jolis rêves de les voir professionnelles et triomphantes. Les femmes sont en train de parcourir ce chemin long et fastidieux vers l’égalité. Les spasmes du terrorisme et le machisme ne les ont pas entravées. La réalité et la société ne les ont pas endormies. La femme n’est pas le sexe faible.